S’il est un domaine dans lequel l’expression des émotions trouve sa place, c’est bien celui de la médiation.

POURQUOI EXPRIMER SES EMOTIONS ?

Les émotions ont besoin d’être exprimées afin, d’une part, de les verbaliser et, d’autre part, de s’assurer que l’interlocuteur les entende. On exprime les émotions non seulement pour être entendu, mais aussi pour entendre celles de l’autre.

Les neurosciences affirment que les émotions intenses inhibent le cerveau à avoir accès à l’information du néocortex (la partie du cerveau qui raisonne), ainsi les mots ne sont plus entendus.

À titre d’exemple, la colère génère un effet de fermeture par rapport au point de vue de l’autre et fait obstacle à la bonne compréhension d’une situation.

Les spécialistes de la négociation raisonnée, Ury, Fisher et Patton, prétendent qu’un climat tendu mènera plus vraisemblablement à des stratégies adversatives et à un blocage de la coopération. Les parties consacreront davantage d’énergie à se battre qu’à coopérer à la recherche d’une solution. Ce n’est qu’au prix de l’expression et de l’écoute des émotions qu’un climat d’apaisement et de coopération peut s’installer.

L’expression des émotions favorise en effet le processus de règlement du différend en procurant un meilleur éclairage à la nature du conflit.

LE RÔLE DES ÉMOTIONS DANS LE CONFLIT

En médiation, on dit que tout est affaire de représentations : la vérité n’existe pas ; seuls les points de vue des parties comptent.Les émotions, fortement imprégnées des origines culturelles, sociales, éducatives et des expériences passées, filtrent les perceptions et confèrent une interprétation subjective de la situation en lui donnant une couleur qu’elle n’a pas nécessairement. Elles cachent souvent la source et les véritables enjeux du conflit.

L’expression des émotions revêt une grande importance à l’occasion d’une médiation, car elle permet souvent de déterminer le réel conflit et d’en faire ressortir les véritables sources. Pour une bonne compréhension du nid d’un conflit, il est impératif de s’intéresser aux émotions et aux besoins de chaque partie. Ce qui, en apparence, ressemble à un conflit interpersonnel peut cacher une problématique conflictuelle d’un tout autre ordre comme une défaillance de certains processus du travail.

Pour que le processus soit efficace, le médiateur doit analyser la constellation du conflit soit : la nature, l’origine du différend et la relation entre les parties directes et indirectes. Placé devant les dimensions juridiques, psychologiques et éthiques du conflit, un bon médiateur est forcément appelé à prendre en considération les valeurs, les intérêts, les besoins et les émotions des médiés. L’expression des émotions est intimement liée aux valeurs et aux besoins de la personne. Elle révèle les besoins profonds et fait partie intégrante du problème à résoudre.

LES OUTILS ET LA POSTURE DU MEDIATEUR

Devant cette réalité, tout médiateur se doit d’encourager l’expression constructive des émotions. Il lui faut inviter les parties à aborder tous les aspects du conflit qui les opposent, tant financiers, juridiques, pratiques ou relationnels qu’émotifs. Certaines techniques contribuent à aider les parties à exprimer leurs émotions.

Outre les techniques classiques d’écoute comme le reflet, consistant à verbaliser les sentiments perçus en d’autres mots, la reformulation ou le recadrage, permettant d’amener la personne à considérer sa situation sous un autre angle, le médiateur peut faire preuve de créativité en faisant appel aux outils collaboratifs.

L’usage des outils collaboratifs comme les jeux de cartes des émotions, le photolangage ou la roue des émotions selon mon expérience se sont révélés être d’un grand bénéfice. Décentré de l’objet du conflit, les médiés centrés sur eux-mêmes posent des mots sur leur vécu, leurs représentations, leurs émotions, leur ressentis et leurs besoins.

La roue des émotions est un outil qui nous ramène d’abord aux sensations invitant l’utilisateur à ressentir les sensations corporelles. C’est une invitation à écouter et ressentir les messages transmis par notre corps. La seconde roue attire l’attention sur l’émotion qui correspond à cette sensation. Enfin, la troisième roue, la plus grande, propose de trouver le besoin sous-jacent à l’émotion. La dernière étape consiste à trouver le moyen de combler ce besoin. L’objectif de cette pratique est d’apprendre à ne plus subir la réactivité émotionnelle, mais d’apprendre peu à peu à prendre conscience des sensations, des émotions et des besoins inhérents à celles-ci pour y répondre de façon adaptée et congruente.
Cet outil permet d’en prendre conscience, d’en parler, de mettre des mots, de dire autrement, ce qui se vit à l’intérieur de soi-même. La Roue des Émotions peut être utilisée dans le couple, en famille, en thérapie, en équipe, en entreprise … La Roue des émotions peut aussi permettre de faire passer un message à une autre personne, de signifier son besoin d’une autre manière.

S’il est vrai que les parties sont appelées à faire preuve d’intelligence émotionnelle durant le processus de médiation, celle-ci doit tout autant être partie intégrante du rôle et des compétences du médiateur. Un bon médiateur est tenu aussi d’apprendre à contrôler ses propres émotions, car les médiés perçoivent à leur tour les émotions du médiateur et pourraient conclure à son absence de neutralité. Or, la neutralité de son rôle s’avère être un pilier dans la réussite de la médiation. Ses propres émotions et réactions par rapport à celles qui sont exprimées par les parties peuvent en effet transmettre des sentiments de confiance, de sympathie, de méfiance ou encore de défense à son endroit, ce qui stimulera éventuellement chez lui des réponses émotionnelles différentes selon les personnes, qui influenceront possiblement ses stratégies d’intervention, son jugement et sa gestion du processus. Garder une distance émotionnelle se révèle plus facile à dire qu’à faire, ce qui rappelle le rôle complexe et difficile que celui-ci doit porter et ce qui exige une analyse constante de ses pratiques professionnelles.

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